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Restaurer l'État stratège, miser sur l'entreprise... Des pistes pour réparer un monde sans repères

9 septembre 2025

Temps de lecture: 5 min

TRIBUNE. Dans le contexte d'incertitude qui traverse le monde entier, il faut plus que jamais réconcilier bien commun et performance à travers des entreprises engagées, une Europe forte et un État stratège, plaide Thomas Labergère, directeur général d’ING France* et membre du Mouvement Impact France.

Pour rivaliser avec les géants américains ou chinois, l’Europe doit atteindre une masse critique, faire tomber les barrières réglementaires, assouplir les règles de concurrence et assumer des choix industriels audacieux.

Les repères qui jadis balisaient l’équilibre mondial n’ont pas résisté aux bouleversements géopolitiques, économiques, technologiques, environnementaux et sociaux. Dans cette période incertaine et sous tensions, il est d’autant plus essentiel de se retrouver autour de nos valeurs fondamentales qui doivent nous guider collectivement vers un nouveau modèle de société.

1. L’entreprise : dernier bastion du vivre-ensemble

Alors que partis politiques, Opens in a new tabreligions, associations ou syndicats, sont en perte de vitesse, l’entreprise incarne un lieu unique de coopération où des objectifs communs transcendent les différences individuelles. Cette fonction sociale est essentielle pour préserver le lien dans des sociétés fragmentées. Pour les salariés, le sens du travail prime sur d’autres considérations, y compris la rémunération. Les entreprises fondées sur des valeurs partagées avec leurs employés performent aussi davantage.

2. L’écologie : portée par le citoyen-employé

La priorité donnée à la transition environnementale et au respect de l’Accord de Paris est mise à mal. Créer plus de flexibilité et de pragmatisme est sans doute souhaitable si cela n’altère pas l’objectif, les transformations requises et le narratif sur la nécessité impérieuse d’y arriver.

Le salarié d’aujourd’hui est aussi un citoyen confronté aux effets tangibles du dérèglement climatique : canicules, inondations, pénuries. Il attend que son employeur joue un rôle actif et que l’effort soit équitablement réparti. L’engagement est un levier d’attractivité, de fidélisation et de sens au travail. A défaut, l’entreprise met à risque sa légitimité sociale et son accès au capital travail.

3. La souveraineté : de la préférence nationale à la préférence européenne

Pour rivaliser avec les géants américains ou chinois, Opens in a new tabl’Europe doit atteindre une masse critique, faire tomber les barrières réglementaires, assouplir les règles de concurrence et assumer des choix industriels audacieux : passer d’une politique de protection de la demande à une politique de l’offre. Airbus l’a fait en son temps, pourquoi pas la banque, la défense aujourd’hui ? Les rapports Draghi et Letta ont esquissé une voie ambitieuse mais restent lettre morte, faute de courage politique. Aux acteurs privés de mettre nos élus face à leurs responsabilités.

4. La démocratie : réinvestir l’espace public

Le débat public est occupé par les extrêmes, qui dénoncent sans apporter de réponses crédibles : l’Europe ne garantit plus la paix, les chaînes de valeur mettent en risque nos approvisionnements, la mondialisation a engendré une désindustrialisation de l’Occident au profit de la Chine, l’écologie expose les plus fragiles, le travail ne permet plus de sortir de la précarité. Le populisme monte et la démocratie souffre : crise de la représentation, défiance croissante envers les institutions, incapacité à répondre aux réels défis.

La majorité silencieuse doit réinvestir l’espace public, notamment les entreprises et leurs dirigeants qui jouent un rôle clé dans la mise en récit et en œuvre des transitions. C’est la raison d’être d’un Mouvement comme Impact France que de proposer et défendre une autre voie nécessaire : constructive, inclusive et ambitieuse. La démocratie ne peut survivre sans projets portés par le plus grand nombre.

5. Le bien public : restaurer l’État stratège

L’État a été un des architectes du progrès : infrastructures, éducation, santé, sécurité. Mais le laisser-aller a entraîné un endettement public insoutenable, un coût de la redistribution plus élevé que ses bénéfices, et une efficacité de la dépense publique remise en cause.

La France prévoit Opens in a new tab44 milliards d’euros d’économies en 2026. Cela exige une orthodoxie budgétaire assumée : faire des choix, prioriser, réformer. Revenons à un Etat stratège qui donne un cap clair avec des règles stables. Le courage politique, c’est arbitrer. Le courage citoyen, c’est participer à l’effort collectif.

Investir le futur

Trouver ce nouvel équilibre dans un monde traversé par des transformations d’une intensité inédite est un défi immense. Retrouvons-nous sur nos valeurs essentielles pour bâtir une société nouvelle, à léguer aux générations futures. Cela exige l’engagement de tous, la participation de toutes les voix, et surtout celles qui sont restées jusque-là silencieuses. Nos atouts sont trop nombreux pour ne pas saisir maintenant cette opportunité historique. Réparer un monde sans repères, c’est retrouver le sens de nos valeurs pour guider nos actions.

*ING en France travaille avec quasi tous les patrons du CAC40 et du SBF120 pour accompagner et financer leurs grands enjeux stratégiques notamment transition et souveraineté. ING a récemment annoncé la création d’un Hub Défense en France et participe aussi à la création de la nouvelle Banque DSR (Défense, Sécurité et Résilience).