Wholesale Banking

L’hybridation, moteur d’une trésorerie centralisée

22 mai 2025

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Vincent Liétard, responsable de l'activité commerciale transaction services d'ING France

La profusion des dispositifs de centralisation de trésorerie et l’essor des solutions de cash pooling notionnel élargissent le terrain de jeu des trésoriers, et leur permettentd’adapter leurs dispositifs aux spécificités de leur propre organisation ainsi qu’à leurcroissance. A condition toutefois de mener leurs projets de centralisation de façonprogressive et incrémentale.

La centralisation de trésorerie existe de longue date au sein des grandesorganisations. Au fil des ans, ces dernières ont en effet adopté massivement desdispositifs de rapatriement de liquidité afin de profiter des avantages qu’ils procurent :accroissement de la visibilité et du contrôle des liquidités d’un groupe, limitation durisque d’illiquidité ou encore optimisation des conditions d’intérêts.

Un projet d’optimisation de la liquidité ne peut être mené sans intégrer les facteurs propres à l’entreprise

En premier lieu, il convient de distinguer les mécanismes de centralisation physique de liquidité (avec mouvement de fonds entre comptes bancaires) des solutions de pooling notionnel qui permettent une « compensation virtuelle » des soldes bancaires créditeurs et débiteurs. Cette absence de transfert physique des fonds permet de limiter les coûts et de simplifier les dispositifs, tant du point de vue opérationnel que juridique et fiscal. Ces avantages expliquent largement le succès de cette méthode, au prix toutefois d’une difficulté accrue pour le trésorier à se repérer dans ce dédale de solutions désormais à leur disposition.

Qu’y a-t-il de neuf aujourd’hui ?

Ce qui a changé, ce sont les technologies et l’environnement réglementaire, qui ont progressivement évolué de concert pour élargir le terrain de jeu des trésoriers dans des proportions inédites. L’essor et la sophistication des outils de gestion de trésorerie(TMS, treasury management system) au sein des entités d’un groupe combinés à des plateformes de connectivité bancaire performantes permettent d’accroître la visibilité et de consolider les données de trésorerie. Même si les contraintes juridiques, réglementaires et fiscales sont à prendre systématiquement en compte, de nombreux pays, notamment au sein de la zone de l’OCDE, offrent un cadre stable et bien défini aux opérations de circulation transfrontalière des liquidités au sein d’un groupe. Il existe aussi des techniques propres à certaines juridictions qui permettent de capter certaines devises afin de les centraliser.

Avec l’hybridation, des modules notionnels peuvent être greffés sur des structures physiques déjà en place sans créer de rupture organisationnelle

Au-delà de la complexité apparente des solutions et du périmètre de consolidation, cette profusion est une bonne nouvelle. Elle apporte en réalité aux directions financières la flexibilité et la sophistication nécessaires pour répondre aux spécificités de leur propre organisation. Car celles-ci n’ont jamais été aussi différentes les unes des autres, ni aussi hétérogènes en leur sein. Un projet d’optimisation de la liquidité ne peut être mené sans intégrer les facteurs propres à l’entreprise : on peut citer son organisation juridique et géographique ainsi que son environnement bancaire, sa maturité technologique (ERP, TMS, outils de connectivité bancaire…). Il en est de même des spécificités sectorielles. C’est par exemple le cas des majors du secteur de l’énergie, pour lesquels l’empreinte du dollar va bien au-delà du marché domestique américain, en s’étendant sur l’ensemble du périmètre d’activité géographique dont le billet vert reste la devise fonctionnelle, facilitant la concentration de l’ensemble des liquidités en dollars pour ce secteur.

Chaque groupe doit ainsi concilier les solutions de liquidité à sa disposition avec sa propre organisation voire sa propre culture, centralisée ou décentralisée. Les groupes constitués d’activités aux modèles économiques différents ou issues d’opérations de croissance externe récentes souhaiteront laisser de l’autonomie à leurs filiales, quand d’autres groupes plus centralisés chercheront à l’inverse à rationaliser le nombre de contreparties bancaires avec lesquelles ils travaillent en concentrant physiquement, au sein d’un nombre restreint de banques, les poches de liquidités.

Que faire dans ces conditions ?

Comment construire, puis faire évoluer son dispositif de centralisation de trésorerie dans le temps ? En privilégiant l’hybridation. Des modules notionnels peuvent ainsi être greffés sur des structures physiques déjà en place sans dénaturer l’ensemble, ni créer de rupture organisationnelle notamment auprès du pool de relation bancaire. Pour cette raison, les projets peuvent être menés de façon incrémentale, parfois sur plusieurs années. En débutant par certaines devises et/ou géographies majeures, puis en élargissant chaque fois que cela est possible pour parvenir progressivement à des dispositifs qui soient à la fois sur mesure et modulables dans le temps. Il est ainsi possible de combiner des structures de centralisation physique intermédiaire avec une structure « overlay » notionnelle, multidevises (certains établissements ont la capacité d’en proposer jusqu’à 40 au sein d’une même structure notionnelle).Toutefois, il existe encore un bon nombre d’obstacles dans certaines juridictions ou pour certaines devises non transférables ou non convertibles, ce qui limite à ce jour l’élargissement des pratiques de centralisations, que celles-ci soient physiques ou notionnelles.

L’instantanéité des paiements, l’élargissement des horaires d’ouverture des systèmes de compensation des devises, ainsi que les structures de comptes virtuels permettent des remontées de cash de façon quasi instantanée (la zone Sepa, Single Euro Payments Area, en est une illustration). Ces changements amorcent une tendance d’interopérabilité des systèmes de compensation instantanée qui devrait accélérer et fluidifier la concentration de trésorerie dans les années qui viennent.