Vous trouverez sur cette page les notes ad hoc de Charlotte De Montpellier, senior économiste, proposant une analyse de l'actualité macroéconomique française.
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La note du 28 février 2023 - L'inflation continue d'augmenter, la consomation rebondit légèrement
La note du 22 février 2023 - L'économie française résiliente, selon le climat des affaires
La note du 03 février 2023 - La production industrielle française continue de rattraper son retard
La note du 31 janvier 2023 - L'inflation française augmente encore en janvier
La note du 31 janvier 2023 - La France échappe à la récession, pour le moment
La production industrielle française chute
L’optimisme de ce début d’année était probablement prématuré. La production manufacturière a fortement diminué en janvier en France, confirmant que l’industrie se trouve actuellement dans une phase de fort ralentissement, qui risque de continuer durant les prochains mois.
Chute inattendue de la production
Après les chiffres de la consommation des ménages en biens pour janvier, l’INSEE publie le deuxième indicateur d’activité effective pour le premier trimestre, la production industrielle, ce qui permet d’avoir enfin une vue précise sur la façon dont l’économie française a entamé l’année 2023. Et les nouvelles ne sont pas vraiment réjouissantes.
La production manufacturière a fortement diminué en janvier, de -1.8% sur un mois contre une hausse de 0.2% en décembre. Pour l’ensemble de l’industrie, la chute est de 1.9% sur le mois contre +1.5% le mois précédent. La chute est due à la fabrication de matériels de transports qui baisse de 6.7% sur le mois. La production automobile diminue de 2.6% et les celle des autres matériels de transports chute de 9.5%. Cette série est néanmoins toujours très volatile, car fortement influencée par les livraisons de navires ou d’avions produits en France. Plus inquiétant, la fabrication d’autres produits industriels est également en forte baisse sur le mois (-2%) après avoir déjà diminué de 0.2% en décembre. L’industrie chimique, pharmaceutique, ainsi que celles du bois-papier et du caoutchouc-plastique voient leur production chuter sur le mois.
Ralentissement
Ces données viennent donc confirmer le signal donné par le climat des affaires et les indices PMI. Le secteur industriel français se trouve actuellement en phase de ralentissement, et ce malgré l’amélioration continue sur les chaines d’approvisionnement. Le ralentissement semble néanmoins plus important que ce que les indicateurs de confiance laissaient penser. Il semble que la demande, notamment internationale, ralenti fortement. La mauvaise nouvelle est que le ralentissement risque de continuer à se faire sentir dans les prochains mois, comme l’indique l’indice PMI de février pour l’industrie qui est redescendu en dessous de 50 en février, tombant à 47.4 contre 50.5 le mois précédent. La forte chute du prix de l’énergie sur les marchés internationaux et l’amélioration des perspectives globales qui en découle limitent peut-être l’ampleur du ralentissement, mais ne l’effacent pas complètement. Dans ce contexte de ralentissement de la demande, le haut niveau des stocks pourrait impacter négativement la production. La production manufacturière pourrait rester très peu dynamique dans les prochains mois.
Optimisme prématuré
De manière plus générale, l’ensemble des données publiées jusqu’à présent laissent penser que l’optimisme de ce début d’année était peut-être un peu prématuré. Certes, la croissance du PIB pourrait rester en territoire positif au premier trimestre, ce qui serait un peu meilleur qu’on ne l’envisageait fin 2022. Néanmoins, meilleur que prévu ne veut pas dire bon.
De nombreux risquent pèsent sur l’économie française pour la suite de l’année. Le pic inflationniste n’étant pas encore atteint en France, le choc sur le pouvoir d’achat n’est donc pas terminé. La confiance des consommateurs demeure à un niveau très faible et la volonté des ménages d’épargner est au plus haut depuis mai 2021. Il semble que, face à l’inflation, les ménages préfèrent renforcer leur bas de laine que de puiser dedans. Tout cela va continuer à impacter la consommation dont le dynamisme restera faible. En outre, le soutien de la politique budgétaire au pouvoir d’achat va devenir moins important dans les prochains mois. Dans le même temps, le secteur de la construction reste sous pression et la hausse des taux d’intérêt risque de continuer à peser sur les dépenses d’investissements des ménages et des entreprises. In fine, le rythme de croissance de l’économie française risque de rester faible tout au long de 2023, mais aussi en 2024. Nous tablons sur une croissance de 0.7% en 2023 et en 2024.
L’inflation continue d’augmenter, la consommation rebondit légèrement
L’heure du recul de l’inflation n’a pas encore sonné en France, l’inflation a encore augmenté en février. Aussi bien l’inflation globale que l’inflation sous-jacente vont probablement continuer à augmenter dans les prochains mois. La consommation des ménages en biens a rebondi en janvier, mais cette hausse est en partie en trompe l’œil.
L’inflation augmente encore
L’heure du recul de l’inflation n’a pas encore sonné en France. En février, l’inflation des prix à la consommation s’est établie à 6.2%, en hausse par rapport au 6% observé en janvier, suite à l’accélération des prix de l’alimentation et des services. L’indice harmonisé, important pour la BCE, s’est établi à 7.2% contre 7% le mois précédent. Sur un mois, les prix à la consommation augmentent de 0.9% contre 0.4% en janvier.
Dans le détail, alors que dans les autres pays européens, la contribution de l’énergie à l’inflation devient négative, l’énergie continue de contribuer nettement à l’inflation en France. Malgré la baisse des cours pétroliers, l’inflation énergétique s’établie à 14% sur un an, contre 16.3% en janvier. En cause, la révision du bouclier tarifaire qui a conduit à une hausse des factures d’électricité des ménages de 15% en février (contre 4% en 2022), ce qui vient s’ajouter à une hausse des factures de gaz de 15% par rapport aux prix de 2022 depuis janvier. Alors que les mesures gouvernementales portant sur les prix de l’énergie avaient fait baisser de près de 3 points de pourcentage l’inflation en France en 2022, les ménages français font finalement face à des fortes hausses de leurs factures d'énergie, bien après les voisins européens. En France, l’inflation énergétique continuera probablement à contribuer positivement à l’inflation tout au long de l’année 2023.
Comme dans les autres pays, l’inflation alimentaire en France continue d’augmenter pour afficher une croissance de 14.5% sur un an en février, contre 13.3% en janvier. Alors que les négociations annuelles entre les grandes surfaces et les fournisseurs de l’industrie agroalimentaires doivent s’achever demain, le 1er mars à midi, de nouvelles hausses de prix de l’alimentations sont attendues dans les prochains mois (il est question d’une hausse des prix de l’ordre de 10% supplémentaire). L’inflation alimentaire devrait donc encore fortement augmenter jusqu’à l’été, contribuant de plus en plus à l’inflation française.
Avec la fin des soldes d’hiver le 7 février, les prix des produits manufacturés augmentent à nouveau, pour atteindre une croissance de 4.6% sur un an. Malgré la normalisation des chaines d’approvisionnement, l’indice des prix à la production n’indique pas de ralentissement des pressions inflationnistes. Au contraire, les prix de production de l’industrie française ont de nouveau accéléré en janvier, de 1.6% sur le mois contre +1% en décembre, du fait de la forte accélération des prix des produits destinés au marché français, alors que ceux destinés aux marchés extérieurs se replient. Sur un an, la croissance des prix à la production est de 14.9%. En outre, les intentions de prix des industriels ne sont qu’en très faible diminution, selon les enquêtes. Il faut donc s’attendre à une poursuite de l’accélération des prix des produits manufacturés dans les prochains mois, avant un probable ralentissement au cours du deuxième trimestre.
Enfin, l’inflation des services augmente pour s’établir à 2.9% contre 2.6% en janvier, en raison notamment d’une série de révisions de prix dans les transports.
Il faudra attendre l’été pour voir l’inflation refluer
In fine, les données de février indiquent que l’inflation française n’a toujours pas atteint son pic. Aussi bien l’inflation globale que l’inflation sous-jacente vont probablement continuer à augmenter dans les prochains mois, donnant des arguments supplémentaires à la BCE pour continuer à relever ses taux au-delà du premier trimestre. Malgré un effet de base favorable pour les produits pétroliers, il faudra probablement attendre le deuxième trimestre pour voir le pic d’inflation en France et l’été pour voir l’inflation véritablement refluer. L’inflation moyenne de 2023 sera probablement plus élevée que celle de 2022. Nous attendons 5.5% sur l’année, et 6.3% pour l’indice harmonisé, contre respectivement 5.2% et 5.9% en 2022. A la fin de 2023, l’inflation sera probablement toujours supérieure à 4%, un niveau plus élevé que la moyenne européenne. La décélération de l’évolution des prix devrait continuer en 2024, mais sera toujours lente, pour s’établir en moyenne à 2.6% sur l’année (3.5% pour l’indice harmonisé).
La consommation en biens des ménages rebondit
A côté des chiffres d’inflation, l’INSEE profite de ce dernier jour de février pour publier deux autres statistiques intéressantes. Premièrement, l’estimation finale de la croissance du PIB du quatrième trimestre, qui détermine définitivement le point de départ pour la croissance 2022, confirmée à +0.1%.
Ensuite, les chiffres de la consommation en biens des ménages pour le mois de janvier sont particulièrement intéressants car il s’agit du premier indicateur d’activité pour 2023. La grande question était en effet de savoir si l’amélioration globale des indicateurs de sentiment depuis le début de l’année allait se répercuter sur les données d’activités. Il s’avère que la consommation des ménages en biens a augmenté de 1.5% en volume en janvier, contre une baisse de 1.6% en décembre. Cette hausse est en partie en trompe l’œil. Elle est causée par une hausse de 4% sur le mois de la consommation d’énergie, qui s’explique principalement par la diminution de l’aide de l’état au payement des factures d’énergie des ménages. Le contrecoup du « chèque énergie » fait diminuer la part des dépenses en énergie prises en charge par les administrations publiques, ce qui fait augmenter d’autant la part prise en charge par les ménages. Selon l’INSEE, la consommation effective des ménages en électricité comme en gaz est quant à elle en recul en janvier.
Le chiffre des dépenses de consommation dépeint donc une image trop positive de la situation. Néanmoins, les données indiquent un rebond de la consommation des biens fabriqués (+1.3% contre -1.7% en décembre) et de la consommation alimentaire (+0.6% contre -1.9% en décembre), ce qui laisse penser que la consommation a commencé l’année sur une note un peu meilleure que celle de fin 2022.
Le risque de récession s’éloigne, mais le dynamisme de la croissance restera faible
Ces données laissent penser que la croissance du PIB devrait être un peu meilleure que prévue au premier trimestre et rester en territoire positif. Le risque d’une récession cet hiver s’éloigne. Néanmoins, de nombreux risquent pèsent sur l’économie française pour la suite de l’année. Le pic inflationniste n’étant pas encore atteint en France, le choc sur le pouvoir d’achat n’est donc pas terminé. La confiance des consommateurs demeure à un niveau très faible et la volonté des ménages d’épargner est au plus haut depuis mai 2021. Il semble que, face à l’inflation, les ménages préfèrent renforcer leur bas de laine que de puiser dedans. Le relèvement du taux d’intérêt sur le livret A (le produit d’épargne le plus apprécié des ménages) à 3% en février risque de renforcer encore ce mécanisme. Tout cela va continuer à impacter la consommation dont le dynamisme restera faible. En outre, le soutien de la politique budgétaire au pouvoir d’achat va devenir moins important dans les prochains mois. Dans le même temps, le secteur de la construction reste sous pression et la hausse des taux d’intérêt risque de continuer à peser sur les dépenses d’investissements des ménages et des entreprises. In fine, le rythme de croissance de l’économie française risque de rester faible tout au long de 2023, mais aussi en 2024. Nous tablons sur une croissance de 0.7% en 2023 et en 2024.
L’économie française résiliente, selon le climat des affaires
En France, le climat des affaires s’est légèrement amélioré en février et dépeint une image d’une économie française résiliente et assez solide. Ces données laissent penser que le PIB devrait rester en territoire positif au premier trimestre.
Résilience
Le climat des affaires en France s’est légèrement amélioré en février, pour s’établir à 103 contre 102 pendant les cinq mois précédents, toujours supérieur à sa moyenne de long terme. L’amélioration vient du secteur des services et du commerce de détail, où les perspectives d’activités s’améliorent, mais aussi de l’industrie où les carnets de commandes sont indiqués en hausse. Dans le bâtiment en revanche, le climat des affaires se replie. En outre, le climat de l’emploi reste très solide. Stable à 110, l’indicateur est toujours bien supérieur à sa moyenne de long terme.
Dans l’ensemble, le climat des affaires dépeint une image d’une économie française résiliente et assez solide. Ces données laissent penser que le PIB devrait rester en territoire positif au premier trimestre.
Deux vitesses
De manière plus globale, l’ensemble des indicateurs publiés depuis le début de l’année semblent indiquer que l’économie française fonctionne probablement actuellement à deux vitesses. D’un côté, le secteur industriel se trouve dans une phase de ralentissement, malgré l’amélioration continue sur les chaines d’approvisionnement. La demande, notamment internationale, ralenti, comme l’indique l’indice PMI de février pour l’industrie qui est redescendu en dessous de 50 en février, tombant à 47.9 contre 50.5 le mois précédent, son plus bas depuis 4 mois. La forte chute du prix de l’énergie, et notamment celle du prix du gaz qui ne représente aujourd’hui qu’environ un tiers de son prix de la mi-décembre, et l’amélioration des perspectives globales qui en découle semblent limiter le ralentissement, mais ne l’efface pas complètement.
De l’autre côté, le secteur des services montre une résilience importante et reste dynamique. Alors que, contrairement aux autres pays européens, la confiance des consommateurs français continue de chuter, les entreprises de services sont plutôt optimistes et indiquent que l’activité se redresse. L’accumulation des affaires en attentes et les anticipations de croissance les incitent à continuer d’engager des travailleurs et à prévoir des hausses de prix encore significatives. Cette résilience du secteur des services est une bonne nouvelle pour l’économie française. En effet, les services marchands représentant 57% de la valeur ajoutée française, le dynamisme l’activité dans les services peut contrebalancer le ralentissement du secteur manufacturier, qui ne représente que 9% de la valeur ajoutée totale.
L’activité devrait continuer de croître au T1
La question qui se pose désormais est de savoir si le dynamisme du secteur des services peut continuer au cours des prochains trimestres ? Les entreprises françaises semblent le penser, l’appréciation de l’activité prévue étant en forte augmentation, selon l’enquête de l’INSEE. Des risques importants demeurent néanmoins. Contrairement aux autres pays européens, le pic inflationniste n’est pas encore atteint en France, et des augmentations encore plus forte des prix de l’énergie et de l’alimentation sont encore attendues dans les prochains mois. Le choc sur le pouvoir d’achat n’est donc pas terminé et va continuer à impacter les comportements de consommation. En outre, le soutien de la politique budgétaire au pouvoir d’achat va devenir moins important dans les prochains mois. Enfin, la confiance des consommateurs français ne se redresse pas. La consommation des ménages a déjà très largement chuté en volume au quatrième trimestre et risque de rester faible dans les prochains trimestres, au-delà des effets de rattrapages. Dans le même temps, le secteur de la construction reste sous pression et la hausse des taux d’intérêt risque de continuer à peser sur les dépenses d’investissements des ménages et des entreprises.
In fine, les derniers indicateurs économiques pour la France laissent penser que l’activité sera probablement plus dynamique que prévu au premier trimestre 2023 et qu’une contraction du PIB devrait être évitée. L’activité devrait même continuer de croître. Néanmoins, ils ne changent pas dramatiquement les perspectives pour les trimestres suivants, où la croissance de l’activité devrait rester assez faible.
La production industrielle française continue de rattraper son retard
La production industrielle française a continué de progresser en décembre, mais n’est toujours pas revenu à son niveau d’avant pandémie. Alors que le choc de 2022 doit encore être complètement digéré par les entreprises françaises, les perspectives pour 2023 restent modérées.
Hausse de la production industrielle
La production industrielle française a augmenté de 1.1% sur un mois en décembre 2022, après +2% en novembre, grâce à un rebond de la production d’électricité. La production manufacturière a elle augmenté de 0.3% sur un mois en décembre, après +2.4% en novembre. Ce rebond s’explique d’abord par la fabrication de matériel de transport, qui continue à rebondir après des mois de perturbation sur les chaines d’approvisionnement. La production de matériel de transport est néanmoins encore 14% inférieure à son niveau d’avant la pandémie. En décembre, la cokéfaction et raffinage progresse également rapidement, poursuivant ainsi son rétablissant après les grèves d’octobre qui avait fait chuter la production de 47% sur un mois. La fabrication de biens d’équipement est en baisse de 3.3% en décembre et la production agro-alimentaire chute de 1.7%.
In fine, sur un an, la production manufacturière française a augmenté de 3.6%. Une progression plus rapide que le PIB (+2.6% en 2022). Néanmoins, le retard de 2020 et 2021 n’a toujours pas été rattrapé. A la fin 2022, la production manufacturière française se trouvait toujours légèrement inférieur à son niveau d’avant pandémie, alors que le PIB était 1.2% supérieur. Notons également que, selon les données détaillées du PIB publiées cette semaine par l’INSEE, la valeur ajoutée du secteur manufacturier a diminué de 0.5% au quatrième trimestre 2022, malgré la hausse de la production sur la même période.
L’année 2023 attendue en mode mineur
L'année 2022 a donc été synonyme de rattrapage pour l’industrie française. Qu’attendre de 2023 ? D’une part, grâce aux moindres difficultés sur les chaines d’approvisionnement, la production de matériel de transport devrait continuer son rattrapage, ce qui boostera l’ensemble de la production manufacturière française. D’autre part, depuis le début de l’année, l’optimisme semble être de retour grâce à la chute des prix de l’énergie sur les marchés internationaux et la réouverture de la Chine, conduisant à des révisions à la hausse des perspectives de croissance. Gare néanmoins à l’excès d’optimisme. Le choc de 2022 doit encore être complètement digéré par les entreprises françaises. Ainsi, dans une récente étude qui tient compte des types de contrats existants en France, l’INSEE estime ainsi que la plus grande partie de la hausse des factures d’électricité des entreprises doit encore avoir lieu. Alors que les factures ont augmenté en moyenne de 30% en 2022 pour les entreprises des secteurs de l’agriculture et de l’industrie, une hausse de 92% est attendues pour 2023. L’étude de l’INSEE se basant sur des données récoltées en novembre avant la dégringolade des prix internationaux de l’énergie, la hausse des factures pour 2023 est peut-être surestimée. Néanmoins, il ne fait peu de doute que les factures énergétiques des entreprises augmenteront plus en 2023 qu’en 2022 en France, et ce malgré la chute sur des prix « spots » sur les marchés. Cela risque de conduire à un affaiblissement marqué de la production industrielle. En outre, le ralentissement économique mondial, notamment en Europe et aux Etats-Unis, et la hausse des taux d’intérêts qui renchérit le coût du financement pour les entreprises risquent également de peser sur les perspectives industrielles en 2023. Dès lors, la contribution de l’industrie à la croissance de 2023 sera limitée. Nous tablons sur une croissance du PIB de 0.4% sur l’ensemble de 2023, après +2.6% en 2022.
L’inflation française augmente encore en janvier
Comme attendu, alors que la plupart des pays européens commencent à voir l’inflation diminuer, le pic d’inflation n’est pas encore atteint en France. En janvier, l’inflation est repartie à la hausse, augmentant de 6% contre 5.9% en décembre. Alors que l’économie se porte mieux que prévu et échappe à la récession, le pic d’inflation est encore à venir.
L’inflation repart à la hausse
En janvier, l’inflation en France est repartie à la hausse, augmentant de 6%, comparé à 5.9% en décembre. L’indice harmonisé, important pour la BCE, s’est établi à 7% contre 6.7% le mois précédent.
Sur un mois, les prix à la consommation augmentent de 0.4% (contre -0.1% en décembre) en raison de la hausse des prix de l’alimentation (+13.2% sur un an) et du rebond de l’inflation énergétique. La fin de la ristourne sur le carburant à la pompe et, surtout, la révision du bouclier tarifaire qui entraine une hausse des factures de gaz des ménages de 15% (contre une hausse de 4% en 2022) poussent à la hausse l’inflation énergétique, au moment où elle baisse dans les autres pays. Alors que les mesures gouvernementales portant sur les prix de l’énergie avaient fait baisser de près de 3 points de pourcentage l’inflation en France en 2022, les ménages français font finalement face à des fortes hausses de leurs factures d'énergie, bien après les voisins européens.
Par ailleurs, l’inflation des produits manufacturés est stable à 4.6% grâce aux soldes d’hiver. La bonne nouvelle est que l’inflation des prix des services reste étonnamment faible, et se replie même pour s’établir à 2.6% en janvier contre 2.9% en décembre. Les prix des services semblent pour le moment peu touchés par les hausses de coûts et notamment par les indexations successives du salaire minimum.
L’inflation en France bientôt supérieure à la moyenne européenne
L’inflation globale et l’inflation sous-jacente pourraient continuer à augmenter en France en février. En effet, la hausse des factures d’électricité de 15% va pousser l’inflation énergétique à augmenter encore en février, et donc aussi l’inflation globale en France. Dans le même temps, l’énergie va commencer à contribuer négativement à l’inflation dans la plupart des autres pays européens. En conséquence, l’inflation française sera bientôt plus élevée que celle observée dans les pays voisins.
Au-delà des développements de l’inflation énergétique, l’inflation sous-jacente devrait continuer à augmenter également. En effet, les enquêtes PMI de janvier indiquent que, bien que l’inflation des coûts de production commence finalement à baisser, les intentions de prix des entreprises sont encore en hausse. C’est notamment le cas dans le secteur des services, où les prix prévus selon l’enquête de l’INSEE de janvier sont au plus haut niveau depuis 1988, mais aussi dans le commerce de détail. De nombreuses entreprises font face à la première révision à la hausse de leur facture énergétique, ce qui continuera à pousser à la hausse les coûts. De plus, les quatre indexations du salaire minimum de 2022 vont continuer de conduire à des revalorisations de l’ensemble des salaires. Alors que l’économie française se porte mieux que prévu et échappe pour le moment à la récession, il est plus facile pour les entreprises de répercuter les hausses de coût passées sur les consommateurs.
Si l’on ajoute à cela qu’une série de révision annuelle des prix (notamment dans les transports) doit avoir lieu en février, il faut s’attendre à une nouvelle hausse de l’inflation sous-jacente dans les prochains mois. Cela devrait inciter la BCE à poursuivre son cycle de resserrement. La BCE souhaitera probablement voir des signes clairs de baisse permanente de l’inflation sous-jacente avant d’adoucir le ton et de stopper les hausses de taux.
In fine, l’inflation moyenne de 2023 sera probablement plus élevée que celle de 2022 (nous attendons 5.5% sur l’année, et 6.3% pour l’indice harmonisé), en France mais le profil annuel sera fondamentalement différent, avec un pic qui pourrait atteindre 6.5% au premier trimestre, puis une décrue progressive dès l’été. A la fin de 2023, l’inflation sera probablement toujours supérieure à 4%, un niveau plus élevé que la moyenne européenne. La décélération de l’évolution des prix devrait continuer en 2024, mais sera toujours lente, pour s’établir en moyenne à 2.6% sur l’année (3.5% pour l’indice harmonisé).
La France échappe à la récession, pour le moment
Le PIB français a augmenté de 0.1% au quatrième trimestre, permettant à l’économie française d’échapper à la récession, en tous cas pour le moment. Néanmoins, échapper à la récession ne veut pas dire rebondir fortement. Il n’y a peu de signes indiquant une reprise dynamique de l’économie française dans les prochains mois.
Pas de récession hivernale en France
Le PIB français a augmenté de 0.1% en glissement trimestriel au quatrième trimestre, un chiffre plus faible qu’au troisième trimestre (+0.2%) mais qui permet à l’économie française d’échapper à la récession, en tous cas pour le moment. Sur le trimestre, la consommation des ménages a nettement reculé (-0.9% contre +0.5% au T3), en raison notamment d’une baisse de la consommation alimentaire et énergétique. Mais ce recul a été compensé par la formation brute de capital, qui ralentit mais reste dynamique (+0.8% contre +2.3% au T3), et par une contribution positive du commerce extérieur, les exportations diminuant moins vite que les importations.
En moyenne sur l’année 2022, le PIB augmente de 2,6 % (après +6.8 % en 2021 et -7.9 % en 2020). Une année résiliente donc, malgré le choc important lié à la guerre en Ukraine, même si la croissance de 2022 est surtout la conséquence de la forte progression de fin 2021.
Quasi-stagnation attendue de l’activité en 2023
Pour la suite, les données laissent penser que les perspectives économiques françaises sont incertaines, mais loin d’être dramatiques. On est loin d’un saut dans le vide vers la récession. Néanmoins, échapper à la récession ne veut pas dire rebondir fortement. Loin de là. En fait, il n’y a peu de signes indiquant une reprise dynamique de l’économie française dans les prochains mois. Les indices PMI indiquent une dégradation de la demande à laquelle font face les entreprises françaises : les nouvelles commandes baissent et les ventes diminuent. La confiance des ménages est toujours à un niveau historiquement faible et les Français voient les perspectives d’un œil très négatif. En outre, l’inflation devrait encore augmenter au cours du premier semestre 2023, ce qui implique que l’évolution du pouvoir d’achat réel restera très faible, freinant le dynamisme de la consommation privée.
Au sein des entreprises, alors que les stocks de produits finis sont élevés, les nouvelles commandes sont en forte baisse, la résorption des arriérés de production pourrait donc peser sur l’activité. En particulier, la production industrielle devrait continuer à voir les difficultés d’approvisionnement se résorber, mais ferait face à une demande mondiale beaucoup plus faible et serait toujours à risque d’une nouvelle hausse importante des prix de l’énergie mondiaux. L’impact de politique monétaire plus restrictive de la BCE va commencer à se faire réellement sentir en 2023, la hausse des taux risquant de plomber l’investissement des ménages et des entreprises. Enfin, la politique budgétaire devrait être moins expansionniste, ce qui soutiendra moins la croissance économique. In fine, 2023 devrait être caractérisée par une quasi-stagnation de l’économie française sur tous les trimestres de l’année. Une légère contraction du PIB au premier trimestre 2023 n’est pas à exclure. Nous tablons sur une croissance du PIB 0.4% sur l’ensemble de l’année 2023. 2024 pourrait être synonyme d’un peu plus de dynamisme grâce à une baisse plus prononcée de l’inflation, même si celui-ci restera modéré. Nous attendons 1.2% de croissance pour 2024.
Pour voir une amélioration nette des perspectives pour l’économie française en 2023, la baisse du prix du gaz sur les marchés internationaux et la réouverture de la Chine ne suffiront pas. Il faudrait voir une amélioration nette de la confiance des ménages et des entreprises. Sans cela, une stagnation reste le scénario le plus probable pour 2023.
- 24 janvier 2023 - Les entreprises françaises tablent sur un ralentissement économique de courte durée
Les entreprises françaises tablent sur un ralentissement économique de courte durée
Les indices PMI et du climat des affaires sont les premières données de sentiment des entreprises françaises en 2023. Celles-ci indiquent qu’un ralentissement économique est en cours, mais qu’il pourrait n’être que de courte durée selon les entreprises. Nous sommes plus prudents et pensons qu’une quasi-stagnation de l’activité sur l’ensemble de l’année est probable.
Premiers regards sur le sentiment des entreprises en 2023
Depuis le début de l’année 2023, le temps clément et la baisse drastique des prix de l’énergie sur les marchés mondiaux ont conduit à un optimisme généralisé et à une révision des perspectives de croissance à la hausse par le consensus. La question était donc de savoir si ce regain d’optimisme était partagé par les acteurs de l’économie réelle et notamment les entreprises. La publication aujourd’hui des indices PMI et du climat des affaires pour janvier permet de faire un premier diagnostic.
L’indice PMI composite a légèrement diminué en janvier pour le troisième mois consécutif et s’est établi à 49 contre 49.1 en décembre. C’est le secteur des services qui tire l’indice global vers le bas, dans un contexte où le boom lié à la fin des restrictions sanitaires s’amenuit. Le PMI des services a atteint en janvier son plus bas depuis 22 mois, 49.2 contre 49.5 en décembre. Dans le même temps, notamment grâce à l’amélioration de la situation énergétique mondiale, le secteur manufacturier se redresse et l’indice du secteur est repassé au-dessus de la barre des 50, pour s’établir à 50.8 son plus haut depuis 7 mois. Globalement, l’enquête PMI indique une dégradation de la demande à laquelle font face les entreprises françaises : les nouvelles commandes baissent et les ventes diminuent. Dans le même temps, les entreprises font preuve d’optimisme pour les prochains mois. Leurs perspectives d’activités et d’embauches s’améliorent. L’enquête PMI indique donc que les entreprises françaises tablent sur un ralentissement économique certes, mais que celui-ci est attendu de courte durée, avant un redressement.
Les enquêtes effectuées par l’INSEE qui permettent de calculer le climat des affaires dépeignent une situation un peu plus contrastée entre les différents secteurs. Le climat des affaires global est toujours stable à 102 en janvier, pour le cinquième mois consécutif, mais la situation sectorielle diffère nettement. Dans le commerce de gros, aussi bien l’appréciation de la demande actuelle que celle de la demande attendue s’affaiblissent. Dans le même temps, les entreprises industrielles revoient à la hausse leur appréciation de la demande actuelle et leurs perspectives pour la suite sont stables. Les entreprises du secteur des services sont beaucoup plus optimistes concernant la demande actuelle, mais voient moins positivement les perspectives générales. Enfin, l’appréciation des ventes passées et les ventes prévues est revue à la hausse par les entreprises du commerce de détail.
Globalement, toutes ces données laissent penser que les perspectives économiques françaises sont incertaines, mais loin d’être dramatiques. On est loin d’un saut dans le vide vers la récession. En outre, les entreprises indiquent que les perspectives en termes d’emploi restent très positives dans tous les secteurs.
Quasi-stagnation attendue de l’activité en 2023
Nous estimons que 2023 devrait être caractérisée par une quasi-stagnation de l’économie française sur tous les trimestres de l’année. Compte tenu de l’inflation, l’évolution du pouvoir d’achat réel restera très faible, ce qui freinera le dynamisme de la consommation privée. Compte tenu des incertitudes, de la hausse attendue (même si faible) du taux de chômage et du niveau faible de la confiance des ménages, le taux d’épargne des ménages demeura élevé et supérieur à sa moyenne historique. Les investissements des ménages en logement risquent de marquer le pas, plombés par l’inflation, le renchérissement des matières premières et la remontée des taux d’intérêt. De plus, la production industrielle devrait continuer à voir les difficultés d’approvisionnement se résorber, mais ferait face à une demande mondiale beaucoup plus faible et serait toujours à risque d’une nouvelle hausse importante des prix de l’énergie mondiaux. Nous tablons sur une croissance du PIB 0.2% sur l’ensemble de l’année 2023. 2024 pourrait être synonyme d’un peu plus de dynamisme grâce à une baisse plus prononcée de l’inflation, même si celui-ci restera modéré. Nous attendons 1.1% de croissance pour 2024.
Inflation plus élevée en 2023 qu’en 2022
Alors que la plupart des pays européens ont déjà passé le pic de l’inflation, l’inflation en France devrait augmenter encore au premier trimestre 2023. La révision du bouclier tarifaire conduira les factures énergétiques des ménages a augmenté de 15%, contre une hausse de 4% en 2022. L’enquête PMI indique en janvier que, si l’inflation des coûts de production est en baisse, l’inflation des prix facturés augmente encore. C’est notamment le cas dans le secteur des services, où les prix prévus selon l’enquête de l’INSEE de janvier sont au plus haut niveau depuis 1988, mais aussi dans le commerce de détail. Si l’on ajoute à cela le fait que de nombreux prix ne sont revus qu’une fois par an en début d’année, il faut s’attendre à une nette hausse de l’inflation sous-jacente début 2023.
En outre, la hausse des coûts de production devrait continuer à soutenir l’inflation des biens alimentaires et des produits manufacturés. De nombreuses entreprises font face à la première révision à la hausse de leur facture énergétique, ce qui poussera les coûts vers le haut. De plus, les quatre indexations du salaire minimum sur l’inflation de 2022 vont continuer de conduire à des revalorisations de l’ensemble des salaires, ce qui va pousser nettement à la hausse l’inflation, notamment dans les services, en 2023.
In fine, l’inflation moyenne de 2023 sera probablement plus élevée que celle de 2022 (nous attendons 5.5% sur l’année, et 6.3% pour l’indice harmonisé), mais le profil annuel sera fondamentalement différent, avec un pic au-delà de 6.5% au premier trimestre, puis une décrue progressive dès l’été. A la fin de 2023, l’inflation sera probablement toujours supérieure à 4%, un niveau plus élevé que la moyenne européenne. La décélération de l’évolution des prix devrait continuer en 2024, mais sera toujours lente, pour s’établir en moyenne à 2.6% sur l’année (3.5% pour l’indice harmonisé).